Cavalier hémiplégique au palmarès impressionnant, Adib El Sarakby, licencié à Orléans, se prépare activement aux Jeux Paralympiques de Paris. À l’heure des entraînements et de la concentration, il construit déjà l’après. Rencontre.
Propos recueillis par Estelle Boutheloup
Médianawplus. À 42 ans, vous avez une grande carrière sportive à votre actif. Comment est arrivée cette passion de l’équitation ?
Adib El Sarakby. Elle me vient d’un héritage familial, transmise par une maman sage-femme qui montait à cheval par plaisir au Nigéria. Je montais donc déjà en couche culotte ! C’est ainsi à cheval que mon handicap, une hémiplégie du côté droit, a été découvert à l’âge de deux ans. Mes muscles se développaient moins vite et je tombais toujours du côté gauche. J’ai donc été suivi, et malgré tout, je n’ai jamais déconnecté du cheval.
Médianawplus. Comment avez-vous géré ce handicap ?
Adib El Sarakby. S’adapter à la vie quotidienne : c’est l’éducation que j’ai reçue. Au Nigéria, où je suis né, c’était à moi de m’adapter au poney. Au départ, il y avait des choses que je ne pouvais pas faire et qu’ensuite j’ai réussi. L’équitation est un sport à part : c’est la seule discipline où notre partenaire est un animal. La pratique fonctionne grâce au ressenti, à un système de communication et de connexion avec l’animal. Tous les chevaux ne vont pas à tous les cavaliers et tous les chevaux ne s’adaptent pas au handicap. Ils doivent avoir un bon mental. Le mien est un pur-sang belge de 12 ans, Life’s Good, que je monte depuis 2 ans. C’est un cheval qui a déjà tourné en valide avec un niveau de cavalier pro.
Médianawplus. Vous avez rapidement accédé à la compétition handisport avec un parcours exceptionnel…
Adib El Sarakby. J’ai démarré la compétition de dressage en valide à la fin des années 1990. J’ai fait mes premiers Championnats de France handisport en 2005 avant d’être détecté et de rejoindre l’équipe de France de paradressage en 2007. Je fais ma première compétition en équipe de France à Hartpury en Angleterre pour les Championnats du monde, un premier gros challenge ! J’arrive 12e en individuel et 8e en équipe. Ensuite, champion de France paradressage en 2008 et 2009, 5e aux Championnats d’Europe en Norvège (Oslo), et 12e en individuel aux Jeux équestres mondiaux de Lexington (USA) en 2010 en équipe de France. Après un arrêt de 5 ans pour raison de santé, je reviens à la compétition. Ma dernière sélection remonte à 2019 aux Championnats d’Europe de Rotterdam où je me classe 7e. Mon évolution sportive a évolué avec l’âge. On peut vivre longtemps avec le haut niveau en équitation, il faut simplement une bonne condition physique même si on récupère moins vite.
Médianawplus. Justement, le haut niveau demande une grande discipline physique. Comment vous préparez-vous, quelle est votre journée type ?
Adib El Sarakby. Je m’entraîne entre 20 et 25 heures par semaine et je monte 4 à 5 heures, pas plus car si le mental du cheval est essentiel dans la performance, il lui faut aussi du plaisir et travailler sans contraintes. La journée commence à 6h30 du matin par un petit footing de 6 à 8 km. Je rejoins le Domaine Ma Loreley où je m’entraîne dans la Nièvre à Saint Verain, coaché par Julien Urios, cavalier pro qui prépare les Jeux Paralympiques de Los Angeles de 2028, et par Serge Kaczor, juge national élite. Après je fais des exercices de respiration pour récupérer et et des exercices mentaux pour me préparer à la compétition : il me faut acquérir des automatismes de concentration et de respiration pour ne pas être perturbé par le stress. Et puis je fais du renforcement musculaire en piscine, de la pressothérapie par massages drainants, et de la cryothérapie. Je me mets une fois par semaine pendant 5 minutes dans un « congélateur » à -87 degrés pour reposer tous mes muscles : le froid crée un effet antalgique.
Médianawplus. Aujourd’hui vous êtes sûr d’aller aux Jeux Paralympiques de Paris. Comment est arrivée cette annonce ?
Adib El Sarakby. 16 Français sont qualifiables pour les Jeux Paralympiques et il n’y a que 4 places ! Pour savoir si l’on est qualifié, il faut faire ses preuves sur la saison 2024. J’ai eu une opportunité à la fois sportive et professionnelle : comme j’ai la double nationalité franco-égyptienne, on m’a demandé si j’accepterais de promouvoir le paradressage en Égypte. À haut niveau, on te construit : la famille, les amis, collègues, partenaires, ton staff, ton coaching physique et mental… Je me considère comme privilégié et je me dois de repartager mon expérience à un plus grand nombre. Pour cela je donne des conférences dans des écoles, des entreprises, des mairies. Je suis l’ambassadeur du Loiret et de la ville d’Orléans dans ma discipline. Et cela a plu à une personne de la Fédération équestre internationale qui m’a soumis l’idée de promouvoir le pradressage dans les pays émergents pour faire évoluer l’équitation. Je vais donc concourir aux Jeux paralympiques 2024 sous les couleurs du drapeau égyptien, projet validé par la Fédération française d’équitation.
Médianawplus. Et après les Jeux Paralympiques de Paris, vous comptez poursuivre la compétition ?
Adib El Sarakby. Je vais m’arrêter à Paris pour le haut niveau. Certains me poussent à aller à Los Angeles en 2028 mais il me faut cette motivation. Ouvrir des conférences à l’international en est une autre, être porteur de mes expériences, de l’excellence équestre française, mais aussi faire découvrir des athlètes de haut niveau, en détecter… C’est une autre voie porteuse de paix et de fraternité entre les pays. Mais pour l’heure je vais me concentrer sur la performance et les Jeux Paralympiques de Paris pour lesquels je vise la finale et le podium !