À 10 ans, Abdelwahab Ferdi, jeune élève de la classe de Jean-François Bouvery du Conservatoire de Blois, a été primé à la 54e édition du prestigieux Concours de piano Claude Kahn le 16 avril dernier à Paris. Ce concours, qui a lancé la carrière internationale de pianistes de renom, est très prisé des Asiatiques, constituant la majorité des candidats.
Par Estelle Boutheloup / Medianawplus
Son interprétation de La Danse Bohémienne de Claude Debussy a fait l’unanimité auprès du jury du Concours Claude Kahn, dont le gala de clôture s’est tenu le 16 avril dernier salle Gaveau à Paris (8e). À 10 ans, Abdelwahab Ferdi a décroché le 1er Prix de la catégorie « Moyen 2 » sur 20 candidats en lice. « C’est mon 3e élève primé à ce concours, lance fièrement Jean-François Bouvery, son professeur de piano au Conservatoire de Blois (Loir-et-Cher). Cinq, voire six candidats pouvaient rivaliser avec lui. » Et il ne tarit pas d’éloges envers le jeune blésois : « Abdelwahab est un des éléments les plus exceptionnels de ma classe. Il a une certaine précocité avec des capacités pianistiques, intellectuelles et musicales incroyables : en trois années d’apprentissage il a l’équivalent de 8 ans de piano. Un jeune élève porté par le soutien de ses parents qui le suivent de très près. » S’ajoutent une oreille musicale, un sens du phrasé exceptionnel, et « l’émotion, l’intention quand il joue. Des acquis pour la vie même s’il n’en fait pas son métier. »
Un 1er Prix qui fait écho au parcours de ce grand professeur, lui-même lauréat de ce concours vers 1977 aux côtés du célèbre Alexandre Tharaud, et plus tard « Grand prix Claude Kahn » à l’époque où le concours était international. « Je suis très fier évidemment. Ce sont des élèves investis et mobilisés qui défendent ma classe et le Conservatoire avec brio. » Car la compétition est ici de très haut niveau.
Excellence et renommée internationale
Créé en 1970 par Claude Kahn, virtuose internationalement reconnu, fondateur et directeur pendant 12 ans du conservatoire d’Antibes, ce concours doit faire en sorte notamment « que les professeurs, indépendants ou de conservatoires, puissent faire connaitre l’excellence de leur travail et celui de leurs élèves auprès d’un large public. Une audition notée », explique Dominique Kahn, fils du fondateur et coordinateur du concours. Et fort de sa réputation, de l’excellence de ses jurys, des professeurs et de la qualité des programmes, le Concours Claude Kahn va devenir une référence révélant des grands noms du piano qui ont depuis embrassé des carrières internationales comme Yunshin An, Eric Ferrer, François Weigel, Igor Kamenz, Laure Favre-Kahn, Giovanni Belucci…
« Ce qui est à regretter aujourd’hui, c’est ce désamour et le manque d’intérêt de candidats européens, dû en partie au manque d’exigence de la part des parents et une approche ludique de la pratique. Mais bonne nouvelle, le concours s’ouvre : avant les familles pensaient que le piano était réservé à une classe élitiste, aujourd’hui nous voyons des enfants de parents non musiciens. »
Candidats asiatiques majoritaires
Également organisé en février à Cannes, les épreuves du concours se déroulent sur deux week-ends durant lesquels les candidats sont évalués par un jury de cinq membres que préside Claude Kahn. Parmi lesquels, Lydia Jardon, membre du jury depuis 15 ans et professeur de piano depuis l’âge de 18 ans. Il y a 10 ans, elle a créé une école franco-asiatique dans le 13e arrondissement de Paris, où 90% des élèves qu’elle forme et prépare au concours sont thaïlandais, laotiens, chinois ou vietnamiens. « Des élèves en lesquels je sens des aptitudes pédagogiques. Le Concours Claude Kahn est l’un des plus célèbres et des plus anciens, il appartient au patrimoine culturel de la France. Il valorise et récompense un travail. Concours dont l’importance est fondamentale pour les Chinois par exemple qui achètent ainsi un statut social. »
Si l’évolution de la qualité des auditions au Concours Claude Kahn est indéniable, la participation des candidats asiatiques reste la principale à plus de 95%. Pourquoi ? « La philosophie asiatique est radicalement différente de celle des Européens. Il y a le plaisir de l’effort dans l’effort, l’autodiscipline, la rigueur », commente Lydia Jardon dont les cours attirent des élèves de très loin parfois, jusqu’à Nemours ou Orléans même ! Sans compter que les petits Européens ont des emplois du temps de ministre avec une surcharge d’activités. Mais la dispersion engendre l’incapacité à se concentrer. Avec des collègues, je suis les candidats depuis deux ans. Il m’arrive de devoir en arrêter car ils sont impréparés. Et on ne se prépare pas devant un public, il faut être prêt à 150% sur scène. »
Et ce jour là, le jeune Abdelwahab l’était !