PortraitBechirBenYahmedAvril1984

La Tunisie orpheline de Béchir Ben Yahmed, fondateur de jeune Afrique

Par Medianawplus

 

Le journaliste franco-tunisien Béchir Ben Yahmed, fondateur du magazineو Jeune Afrique, s’est éteint lundi 3 mai  à Paris, à l’age de 93 ans.Cette triste nouvelle a été annoncé par le magazine jeune Afrique, sur son compte Twitter.

Béchir Ben Yahmed avait été  hospitalisé depuis la fin du mois après avoir contracté le Covid-19.

La Tunisie orpheline

Béchir Ben Yahmed était né en 1928 sur l’île tunisienne de Djerba, lorsque la Tunisie était sous protectorat français. Fils d’un commerçant, il creusa d’abord cette veine paternelle par des études qui le menèrent jusque sur les bancs d’HEC. Mais le jeune homme sentait grandir en lui deux vocations, la politique et le journalisme, qu’il embrassa toutes deux avant de les marier sous les auspices du journal qu’il fonda.

Un grand témoin et une haute conscience de l’ère post-coloniale

Jeune militant pour la souveraineté de son pays, Béchir Ben Yahmed fut de ceux qui négocièrent son autonomie puis son indépendance aux côtés de Habib Bourguiba. Nommé Secrétaire d’Etat à l’information sous le premier gouvernement de la Tunisie indépendante, à seulement 28 ans, il répondit en même temps à l’appel du journalisme en lançant L’Action en 1955, un hebdomadaire tunisien auquel il donna bientôt une envergure maghrébine mais qui fit long feu.

En 1960, année phare des indépendances africaines, il décida de relancer le titre. Il n’avait que 10 000 francs, mais une ambition immense l’animait, une ambition aux dimensions d’un continent : créer un hebdomadaire panafricain, une agora d’encre et de papier qui puisse attiser le vent de liberté qui soufflait sur toute l’Afrique. Le 17 octobre 1960, les lecteurs francophones découvraient dans leurs kiosques le tout premier numéro d’Afrique Action, rebaptisé Jeune Afrique un an plus tard.

Le magazine était piloté par un duo : Mohamed Ben Smaïl tenait les rênes de la rédaction et Béchir Ben Yahmed dirigeait « tout le reste », de la ligne éditoriale aux relations extérieures, des recrutements aux ventes, en passant par la publicité et la diffusion.

Les colonnes du titre érigèrent l’un des piliers des luttes de décolonisation. Dans ses éditos, toujours intitulés « Ce que je crois », Béchir Ben Yahmed se faisait le chantre de la cause tiers-mondiste. Journaliste sans frontières, il sillonna le monde pour faire résonner depuis les tribunes de son journal toutes les voix de l’indépendance : il avait rencontré Che Guevara à Cuba, s’était entretenu à Hanoï avec Ho Chi Minh, en pleine guerre du Vietnam, fréquentait l’Égyptien Nasser, le Ghanéen Nkrumah, le Congolais Lumumba et l’Algérien Ben Bella.

De Djerba à Paris

Au milieu des années 1960, en quête d’une plus grande indépendance vis-à-vis du pouvoir tunisien, il élut domicile à Paris et y installa le siège de son groupe. Depuis ses nouveaux quartiers, il fit rayonner son journal jusque sur le continent européen et auprès des communautés françaises issues de l’immigration africaine.

Le titre, que ses fervents lecteurs appellent simplement « JA », fut un véritable vivier où de grands auteurs aiguisèrent leur plume et leur conscience politique : Frantz Fanon, le héraut de la décolonisation algérienne et l’auteur des Damnés de la terre, Jean Daniel, le futur fondateur du Nouvel Obs, Kateb Yacine, le poète des Aurès, Amin Maalouf, l’académicien.

Il était un grand témoin et une haute conscience de l’ère post-coloniale et des combats qui l’ont précédée et pratiquement autant d’années de lutte, d’écriture et d’indépendance.

 

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